illustration virginie

Mon expérience dans la mode, la suite

Nouvel épisode de Martinie dans la fashion…

J’en étais au moment où je commençais à déchanter. J’étais assistante, souvent je me tapais tout le taf, je ne me sentais pas considérée (faut dire que j’avais un orgueil conséquent aussi). L’avantage d’être free-lance, c’était que dès qu’une styliste me gonflait, je déclinais le job suivant. Et puis moi qui aimais tant la mode, je finissais par ne plus la voir. Ne plus comprendre le sens de tout ça. Il faut dire que tout est politique dans la presse. Enfin politique… Surtout économique. Il est impératif de « gâter » les annonceurs payeurs. C’est donc eux que l’on retrouve essentiellement dans les séries Mode. Nous avions des listes de DO et de Don’t = annonceur / pas annonceur, voire embrouille (par exemple à Madame Figaro, il était interdit de prendre du Agnès b alors que c’était, à ce moment-là, super branché). Cette pratique tacite s’est renforcée au fil du temps pour devenir une règle non négociable, dictée par les annonceurs qui ont tout pouvoir. Aujourd’hui aucun « spécial mode » ne sort sans sa farandole de total look exigé par les marques elles-mêmes (en gros « tu prends la silhouette entière ou on retire nos pages de pubs »), ça a même infusé dans le rédactionnel. C’est tout de même assez effarant.

Pour en revenir à mon histoire et à cette époque, généralement nous allions toujours un peu dans les mêmes bureaux de presse pour renvoyer également l’ascenseur (= parution magazine) aux copines qui nous prêtaient pour la pub. Donc finalement nous tournions toujours autour des mêmes marques par confort, en oubliant toute objectivité concernant les tendances à mettre en avant. Encore une histoire de réseau renforcé par la volonté de faire de belles images pour se faire « remarquer ». Ce n’est pas un mal en soi mais c’est comme ça que tu te retrouves avec des pages de mode totalement hors sol, déconnectées de toute réalité – des filles à moitié nues (n’oubliez pas ce que je vous disais sur les photographes), des tenues alambiquées importables, des superpositions à ne rien y comprendre – Ok ça fait une belle série mais on est dans tout autre chose que de la mode, non ?

Heureusement, à côté de ça, il y avait beaucoup de fun et de vernis social, l’antidote qui te permet d’avaler des couleuvres tout en étant mal payée et de trouver tout ça, malgré tout, très très cool, en se la racontant au passage (ce que je suis en train de faire présentement). Comme se retrouver dans des soirées grandioses ou tout le gratin est réuni. Je me souviens d’une soirée de remise de prix pour le designer de l’année, aux Bains Douches, le “lieu” incontournable de l’époque, où tous les couturiers étaient là. Lagerfeld, Lacroix, Gaultier, Kenzo… Ainsi qu’une grande partie des super tops models de l’époque. Je m’étais retrouvée le nez dans les seins de Elle Macpherson, me sentant d’un coup toute petite malgré mes plateformes shoes. Des fêtes de JPG toujours démesurées et foutraques. C’était joyeux, surtout parce que nous étions une bande – c’est avant tout cela que je retiendrais. Car lorsque nous sortions seulement à 2 avec ma copine, ça n’avait pas la même saveur, on se faisait même souvent royalement chier. Peu importe l’endroit où tu te trouves dans la vie, ce qui compte c’est ce que tu vis, ce que tu partages et une fête à 2, ce n’est pas être acteur de la fête, c’est être spectateur. Alors je me souviens de cette joyeuse équipe que nous formions – stylistes, photographes, attachées de presse, designer, coiffeur, journaliste. Je me souviens de Caroline (la plus proche et ancienne collaboratrice de Karl qu’il a couché sur son testament d’ailleurs) quand elle venait dîner chez nous avec son mari qui repartait toujours ivre mort. De Sarah, toute discrète, que Josiane nous avait ramenée à la maison, elle tenait une petite boutique avec sa mère rue d’Argout, son papa venait de décéder et elle cherchait un lieu plus grand pour y faire un concept store. C’est Josiane qui lui a trouvé le lieu parce qu’elle habitait à côté. Il n’y avait que des épiciers et des troquets dans cette partie de la rue Saint-Honoré, ce lieu ce sera Colette. Ces gens qui ont fait partie de ma vie, ceux qui ont connu de grands succès, ceux qui ont connu des drames ou des échecs, ceux qui ont changé de métier, ceux qui ont continué à s’accrocher et à galérer, je ne les vois plus aujourd’hui – sauf ma pote Carmen qui s’est mariée et partie vivre à Genève – mais je m’en souviens avec affection.

Dans deux semaines, vous saurez comment et pourquoi j’ai définitivement lâché l’affaire (teaser de folaïïï) ah ah.

4 réflexions au sujet de “Mon expérience dans la mode, la suite”

  1. Super post je me souviens de tout ça lorsque tu me racontais toutes ces anecdotes. Pas toujours justes mais qui t”on tout de même forger un bon caractère 🙂🙂😘

  2. Passionnant de te lire virginie ! Une belle tranche de vie et d’une époque. L’époque aussi ou la presse magasine nous (me) faisait tant rêver d’un monde beau et glamour, toujours chic

  3. Merci Emilie. Et oui, il n’y avait que la presse magazine féminine pour faire le lien entre la création et nous, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

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