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Mon expérience dans la mode

L’autre jour, j’ai écouté un épisode de Thune le podcast sur la condition de ceux qui bossent dans la mode avec l’intervention de l’anthropologue Giulia Mensitieri qui a publié un livre sur le sujet il y a déjà quelques temps. C’était édifiant de constater à quel point ces conditions n’avaient pas changé depuis les années 90, durant lesquelles je les avais éprouvées. C’est l’occasion de revisiter brièvement cette expérience et de la mettre en perspective avec ce qui est dit dans ce podcast.

G.M évoque la grande précarité d’une partie des employés du secteur, à commencer par les stylistes, assistantes stylistes, stagiaires designer, mannequins fraîchement engagées par les agences et le fait que, malgré ça, personne n’ose s’en plaindre. C’était déjà le cas. C’est un milieu qui fait fantasmer, il fonctionne en vase clos. Hormis pour les stylistes designers qui doivent forcément passer par une école pour se former, pour les stylistes de shooting (magazines, pubs, Tv…) dont la fonction consiste à habiller les gens, donner vie à une série de mode, il n’y a aucune formation. Généralement tu arrives là parce que tu connais quelqu’un qui… En gros tu es forcément pistonnée. C’était mon cas.

A la base je travaillais à la régie pub d’Hachette Filipacchi (Elle, Paris Match, Télé7 jours, Parents, Femme…), j’avais 20 ans et je rêvais de mode. Je dévorais les magazines depuis mes 14 ans, rien de bien original là-dedans. Donc un jour, je suis allée voir les nanas de la pub du magazine Femme pour leur demandé si à la rédac, il n’y aurait pas besoin d’une assistante. J’ai obtenu un RV avec la styliste responsable des accessoires, qui était la seule du service mode à être intégrée au journal avec la bookeuse et la rédactrice en chef mode. Tout ça je l’apprendrais plus tard, car je ne connaissais rien à ces rouages. Les autres stylistes étaient toutes free-lance. Pourquoi était-elle intégrée elle et pas les autres ? C’était la sœur jumelle de la maîtresse de Daniel Filipacchi. Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que c’est assez révélateur de ce milieu. Elle me donne donc ce Rv au Fouquet’s, ça place le décor hein et me propose de devenir son assistante le mois suivant, le temps que je donne ma dem’ puis… Silence radio. Je ne sais même plus si elle a fini par me dire elle-même qu’on ne lui avait pas débloqué le budget pour une assistante ou si je l’ai appris par les filles de la pub mais j’étais folle de rage. Là-dessus je me renseigne un peu plus auprès d’une amie qui avait fait ce job pour comprendre cet écosystème complètement freestyle. Et je comprends qu’il va falloir que je commence par trouver un stage dans une rédac, non rémunéré et sans aucun statut (c’est-à-dire sans contrat de stage) et que c’est à cette condition que je pourrais me faire un réseau et commencer à bosser avec des stylistes free-lance. SUPER Michel ! Vous connaissez un secteur où ça marche comme ça, vous ? J’ai bien essayé de la jouer autrement, j’ai envoyé des candidatures spontanées (ouais à l’époque y’avait pas internet encore), j’ai failli accepter le poste d’assistante de la rédac chef de 20ans dont c’était la grande époque. Emmanuelle Alt y faisait ses 1er pas. Mais je me suis ravisée, je n’avais pas démissionné pour faire de la paperasse. Maintenant que j’y pense, ça n’aurait peut-être pas été si mal. La mort dans l’âme, je suis partie faire des missions d’intérim pour pouvoir « m’offrir » le fameux sésame « ce putain de stage non rémunéré ».

La rédac chef de Femme avait changé entre temps, mon mari connaissait très bien la nouvelle puisqu’il avait bossé avec elle, c’est donc sans aucun problème que j’ai obtenu mon stage (sans ça aucune chance – bon ça c’est le cas un peu partout, ce n’est pas spécifique au secteur – vous connaissez ça, si vous avez des grands enfants, avec le fameux stage de 3e puis ceux des fins de cycles). Voilà donc j’arrive toute excitée, la nana du booking était une copine de l’amie qui m’avait « renseignée », c’est donc tout naturellement qu’on s’est immédiatement reconnues et plus lâchées. Mon job consistait à trier les ektas des défilés et d’en faire des dossiers. Bon au début, c’était chouette, avoir à dispo tous les looks de tous les défilés, la découverte d’une rédac, son fonctionnement, la Shopping Room dans laquelle les fringues et accessoires destinés aux shootings arrivent. Voir de près les pièces des grandes maisons, je trouvais ça merveilleux. Les personnages hauts en couleurs. La fille du shopping était une héroïnomane, elle était dégueulasse et un peu voleuse sur les bords, il y a avait la sœur de Bernard Henri-Levy, je ne sais plus trop quelle fonction elle occupait, elle me parlait toujours d’horoscope et de trucs perchés. La belle-fille de Gildas qui nous racontait les gossips de Nulle part ailleurs. Mademoiselle Agnès qui n’était alors que Agnès Boulard et qui bossait à 7 à Paris, au-dessus. Avec Carmen, ma copine, on se marrait bien. Les 1eres ventes presse, où t’as pas trop de tune à dépenser vu que t’es pas payée. Les 1eres soirées où là tout est gratos, les 1ers défilés – Le sentiment d’être privilégiée, d’appartenir à un monde que tous envient. Les rédactrices avaient leur code bien à elle, en ce qui concerne la mode. Ce n’est pas comme aujourd’hui, où tout le monde a accès aux tendances via les réseaux, les sites de e-commerce. A l’époque la mode c’était à Paris point. On était dans l’ère des tops models superstars. Tout ça te foutait des paillettes dans les yeux.

Bon, je sens qu’il va me falloir plus qu’un billet pour vous raconter tout ça, enfin si ça vous intéresse bien sur… La suite dans la prochaine ?

8 réflexions au sujet de “Mon expérience dans la mode”

  1. Oh oui la suite. Et le bouquin de Giulia Mensitieri est très chouette et facile à lire!

  2. Passionnant ton expérience ! Je veux la suite !!! Et j ai lu le bouquin de la sociologue. Effectivement il faudrait que les jeunes gens qui rêvent d’intégrer ce milieu le lisent… sinon tu peux retrouver ce côté paillettes /exploitation dans l’audiovisuel et le monde du spectacle … j’ai des copains qui pourraient témoigner de choses similaires ….

  3. Oui c’est vrai mais pas tout à fait de la même façon. Le problème de l’audiovisuel est d’abuser des intermittents du spectacle à cause de contrat de production qui courent sur 1 année et l’emploi également abusif des stagiaires.

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