L’une d’entre vous m’a suggéré ce billet « comment faire entendre raison à ses enfants lorsqu’ils ont des rêves plus grands qu’eux ». Ce sujet ne parlera sans doute pas à toutes puisqu’il implique d’avoir des enfants en âge de s’envoler du nid mais perso, c’est évidemment un sujet qui me parle. J’ai deux enfants, deux artistes.
Ma fille depuis toute petite était attirée par « le pestacle » comme disent les gosses. La danse, les comédies musicales, les déguisements, comme beaucoup d’enfants en somme. Elle disait déjà qu’elle voulait faire un métier de scène. On ne se projetait pas (il ne faut d’ailleurs jamais se projeter. Nos enfants ne sont pas la continuité de nous-mêmes. Ils ont leur propre personnalité, leur propre aspiration…), on l’encourageait dans ce qu’elle faisait, sans plus. Il y a eu quelques signes avant-coureurs qui laissaient envisager qu’elle était très douée (des retours de professionnels qui étaient bluffés, qui par sa voix qui par son énergie, sa détermination). Puis les cours de guitare sont arrivés et son acharnement au travail nous a confirmé qu’il était possible qu’elle fasse ce métier. Après tout, il n’y a pas que la voie royale, il y a tout un tas de métiers gravitants autour de la musique. Ensuite les choses se sont enchaînées très vite, de rencontres en jams, de tremplins en petits concerts, un premier EP et c’était parti. À 18 ans elle avait son statut. Nous n’avons pas eu le temps de flipper, c’était son rêve, elle s’en est donné les moyens et nous l’avons accompagnée. Pour autant il n’y a pas que le talent qui rentre en ligne de compte, comme dans n’importe quel job, il faut se créer un réseau, il faut faire face à de l’administratif, il faut apprendre les rouages du système. C’est pour cette partie-là qu’elle a eu besoin de notre aide. Durant ces 15 années (tout ça a commencé lorsqu’elle avait 16 ans), il y a eu des coups de flip c’est certain. Être artiste n’est pas une sinécure, mais qu’est-ce qui l’est aujourd’hui ? Il n’y a pas de filet de sécurité, les remises en question sont nombreuses, l’énergie peut venir à manquer car de l’énergie il en faut des tonnes mais au bout du compte, quelle exaltation. Nous n’avons jamais eu à regretter son choix – car c’est bien de son choix dont il s’agit et bien heureusement. Notre bienveillance à leur égard ne doit pas leur imposer des options que ne sont pas les leurs. Ces injonctions sont d’un autre temps. Le temps où nos parents nous disaient qu’il fallait avoir un bon métier pour bien gagner sa vie (les années 80, années fric par excellence). Alors oui, la précarité ça fait peur mais ce qui fait encore plus peur, c’est de passer à côté de sa vie. La plupart des gens ne savent pas ce qui les anime alors lorsqu’on a la chance d’avoir des enfants qui le savent, qui bossent pour, il faut les accompagner. S’ils se plantent ce n’est pas grave. Notre tentation première en tant que parents est de leur éviter des écueils, c’est notre rôle lorsqu’ils sont enfants mais lorsqu’ils grandissent c’est à eux de faire leurs choix, leurs expériences. Il y a un proverbe qui dit « la vie ce n’est pas d’éviter la pluie mais de savoir danser entre les gouttes » ou un truc comme ça, je le trouve très juste. Il faut leur apprendre à rebondir car des écueils, quelle que soit la direction qu’ils prendront, il y en aura. La sécurité n’existe plus. Les burn-out se multiplient et si le management féroce en est la plupart du temps la cause, c’est aussi le fait de ne pas se trouver à sa place qui les génère.
Maintenant, mon fils… Deux salles, deux ambiances. Artiste complet, dessin, musique, chant, danse mais psychologie totalement différente de sa sœur. On l’a tellement valorisé (il a 8 ans de moins que Nina) qu’il se voit comme un imposteur. Il a un manque cruel de confiance en lui qui le ronge. Depuis des années il bosse sur un projet de conte musical – un truc énorme à mettre en place car il nécessite un gros investissement sur l’animation. Il a même fait un bachelor d’animation pour ce projet. Maintenant il faut le vendre et il est tétanisé. C’est le projet de sa vie, il y a mis trop d’affect et y a passé trop de temps pour que cela en soit autrement. On nage en plein flou artistique, c’est le cas de le dire. Ce qui m’angoisse ce n’est pas tant la réussite ou non de son projet, c’est la façon dont il va réussir à transformer cette expérience, à en faire quoi qu’il arrive quelque chose de positif, car il a abattu un travail énorme dont il peut être fier.
En résumé, nous nous devons de faire pousser des ailes à nos enfants et les aider à accomplir ce qu’ils ont à accomplir même si cela nous paraît « dangereux » ou irraisonnable. Le seul impératif étant qu’ils s’en donnent les moyens en travaillant dur. L’autre jour ma mère m’a dit « tu n’as pas de chance avec tes enfants, deux artistes, quels soucis » – elle ne pensait pas à mal, elle pensait « sécurité », c’est générationnel. Je pense qu’au contraire, j’ai beaucoup de chance d’avoir des enfants aussi talentueux et aussi inspirants.
La peur, c’est un truc de parents, qui ne leur appartient pas.
15 réflexions au sujet de “Déployer leurs ailes”
🥹♥️ Je vous aime et je ne vous serai jamais assez reconnaissante de m’avoir soutenu. 15 ans plus tard , je ne me verrais nul part ailleurs 🙏
Tout le monde a des valeurs différentes dans la vie , mais quand parents et enfants sont alignés , le chemin de la vie est sans limite 🌈
Ohhh🥹 Nous sommes tellement fiers d être vos parents 🙏 💙
Merci Virginie pour cet article , je vais garder en tête qu’il faut en faire quelque chose de positif quoiqu’il arrive . J’ose espérer qu’il ne se voit pas comme un imposteur et je ne pense pas que nous l’ayons trop valorisé , par contre peut être sommes nous trop terre à terre et bien loin de cet univers professionnel pour pouvoir le conseiller professionnellement .🤷♀️
C est mon fils qui a ce sentiment d imposteur (à tort) car il manque de confiance en lui. Il veut faire quoi ton fils ?
Lorsque j’ai dis tu n’a pas de chance s’est que les metiers d’artistes sont plus sensibles dans la durée et qu’en tant que parents lorsque nos enfants choisissent ce chemin on est toujours plus inquiets mais ça ne veut pas dire que nous ne sommes pas fiers et heureux de les voir s’épanouir dans leur art. Et de les encourager à aller le plus loin possible et à se dépasser
Oh alors si je savais vraiment , depuis quelques années on me dit que c’est un artiste, un créatif et je pense qu’il se cherche encore . Plutôt bon pour organiser des soirées et en faire de bons films ou des photos , très empathique et souriant une grande culture .
Je me souviens très bien que je lui disait qu’il serait animateur radio qd il était plus jeune … De ce que j’ai compris il a créé un label de musique de play list avec un ami , il tente actuellement de monter une expédition pour faire le Mt Blanc par la voie du gouter , bref il a beaucoup d’idées mais le fil conducteur dans tout cela ne me semble pas évident et puis surtout il faut quand même pouvoir se payer à manger et un toit sinon tu es dépendant de tes parents ou de quelqu’un d’autre 😬. Je trouve que cela part un peu dans tous les sens quand même non ?
Nous n’avons pas forcément toutes les cartes en main. Il y a nos enfants tous différents, leurs caractères, leurs envies, leurs choix . Je pense qu’il faut les laisser faire leurs propres expériences, croire en eux , en leur force. Les accompagner , avec notre amour inconditionnel. Je les trouvent plein de ressources . Ouverts au Monde en changement. Je trouve que ce sont de beaux projets, qui demandent de la persévérance, du travail, de la ténacité . Nous pouvons les accompagner . Peut être que leur chemin , Parfois non linéaire . leur permettra de croiser les ´bonnes personnes’ , les fera évoluer , riches de tout ce qu’ils auront vécu, ou encore de changer de voie . L’on ne sait jamais à l’avance et je trouve qu’il faut oser ´être soî’ ou ´devenir soi’ . Virginie , le yoga doux ne pourrait il pas aider ton fils, grâce à la respiration, concentration ? Je sais que cela m’aide beaucoup notamment pour déstresser. Plein de bonnes choses à venir pour nos enfants chéris, pour leurs projets. Que leur travail soit récompensé .
J avais bien compris 😜
😄 à un moment, il trouvera son chemin, il faut être confiant. Le pire serait qu il ne fasse rien et ce n est pas le cas… Il va se nourrir de ttes ses expériences et rencontres…
Je suis complètement d accord avec ça. Je le tanne pour qu il fasse de la méditation, tu imagines bien mais quand ça veut pas ça veut pas…
Cet article me touche bien que je n’ai pas d’enfant.
Je trouve encore aujourd’hui que la société actuelle nous pousse à faire carrière et à sacraliser les longues études et l’argent, au détriment de l’épanouissement personnel des futurs adultes.
J’ai toujours senti une forme de pression intrinsèque (société, famille…) à me tourner vers de longues études puisque j’en avais les “capacités”. J’aurais aimé entendre que l’essentiel était que je m’epanouisse dans ma vie, donc dans mon métier, et ce peu, importe les conditions !
Et c’est quelque chose que j’espère pouvoir souffler un jour à mes enfants ☺️ (Prenons nos voisins allemands, la plupart des lycéens diplômés font une pause de quelques années avant de reprendre les études. Se trouver avant de trouver son job!)
Tu as tout à fait raison et je comprends qu’il est parfois difficile de s opposer à “la sagesse” parentale surtout lorsqu on ne sait pas très bien ce que l on veut vraiment faire. L éducation nationale doit être réformée en profondeur, en faisant par exemple, intervenir plus d intervenants de la société civile capables de créer des vocations…plus de stages… merci pour ce message 😉
Merci pour toute cette bienveillance , j’espère qu’il se fera sa voie , le tien a un petit job à côté ? Moi c’est juste ce que je souhaite (enfin un qu’il garde un certain temps ) et à côté il pourra poursuivre ses idées et avancer dessus .
Oui (de modèle vivant😄) mais ce n est pas suffisant. Il cherche pour la rentrée un job à mi-temps.
Bon voilà l’idée