illustration virginie

Le vent tourne

Depuis que j’ai repris du service pour vous proposer du contenu fashion et que, de ce fait, je doive illustrer mes propos, je me gave d’images. Alors que j’étais beaucoup moins au taquet avec Insta ces dernières années. Et c’est fou de constater à quel point les réseaux sociaux ont généré des taupes models aux kilomètres. Je ne parle pas des meufs comme nous, qui prenons des tofs à l’arrache pour le « plaisir d’offrir, joie de recevoir » (dis-je sans aucune culpabilité de faire payer un abonnement ah ah). Non, je parle des poseuses, sans une once d’auto-dérision. La rue est devenue leur catwalk. Les influenchieuses se reproduisent plus vite que les lapinoux en Australie au début du 20e Siècle.

On est dans l’ère de l’auto-entrepreneuriat, tu me diras, rien d’étonnant à chercher à devenir qui on veut être. C’est d’ailleurs le message martelé depuis une bonne quinzaine d’années par les pros du marketing. « just do it » « deviens qui tu es » et tout ce genre de discours pseudo spirituel au service du business. Alors si cette génération yZ ce qu’elle veut c’est être idolâtrée, très bien… C’est drôle parce que dans le même temps cette génération s’est aussi emparée des sujets féministes avec beaucoup de férocité. Le culte de la personnalité fait-il parti du package ? Prendre des poses aguicheuses en slïpe sans qu’aucun réal, photographe ou directeur artistique ne te l’ait demandé, n’est-ce pas rester dans les codes archaïques du patriarcat ? J’avoue franchement être une grosse boomeuse sur ce sujet. Revendiquer d’être l’égal des mecs, c’est totalement légitime, il n’y a pas de sujet, mais alors en quoi être « bonnasse » constitue t-il une avancée dans le droit des femmes ? En quoi le fait de sortir dans la rue en robe totalement transparente est-il un empowerment ? Hormis le « j’ai le droit de le faire et qu’on me foute la paix ». Certes. Tu imagines un mec sortir en fute de dentelle toutes couilles apparentes ? Je tourne peut-être grosse réac mais j’avoue ne pas trop comprendre le délire. Et encore, sur mon fil, je suis des « modeuses », pas celles qui ont les plus gros comptes Insta, aka les meufs de la téléréalité (en prem’s Nabila et ses 8 Millions de followers). Aaaaahhhhh ! (cri d’effroi parce que ça fait peur)

Donc « être influenchieuse » c’est le nouvel Eldorado. Les marques ne sont pas trop regardantes, elles t’achètent tes followers, point. Ensuite, à elles la charge de te refourguer tout un tas de trucs forcément incroyables, innovants, miraculeux en s’érigeant en professionnelles dudit machin au passage. Dans certain cas, on frôle le charlatanisme, voir le danger.

Pour celles qui restent dans le domaine de la sape c’est autre chose et pas des moindre, puisqu’elle concerne le consumérisme, dissimulé par la volonté d’invisibiliser l’argent. Alors que dans tout « l’espace public » l’argent semble toujours au cœur des sujets, sur les réseaux, l’argent n’est qu’une théorie. Des petites minettes de 20 piges se pavanent avec des looks de la valeur du PIB du Luxembourg (126 0000 dollars) et tout le monde trouve ça normal et tout le monde semble à la recherche du dernier truc Chanel, Hermès, Celine. La réalité s’efface au profit d’une utopie pétée de tunes. Le peuple réclame du pain ? Donnez-leur de la brioche !

Autre chose, le fait de ne suivre que sa propre « ligne éditoriale » pourrait engendrer plus de liberté or mon fil ressemble le plus souvent à « L’attaque des clones » ? Tu me diras, on a le fil qu’on mérite, la toile se tisse à l’infini et l’algorithme n’est pas là pour me surprendre mais pour me brosser dans le sens du poil (de Bibiou – ah des Bibious j’en ai plein et ça aussi ça me questionne, tous ces maîtres qui mettent leurs animaux dans des situations improbables, qu’y gagnent t-ils ? Des croquettes ?).

Et puis la mode suit ses principes de tendances, suscitant les mêmes pulsions d’achats, au même moment. Sans ces « impératifs », pas de consommation, en tout cas pas de conso de l’immédiateté et généralement ce que tu peux remettre à demain reste sans lendemain.

Finalement, ces minettes ont changé la forme sans changer le fond – ce sont toujours les mêmes annonceurs qui financent et elles éditent leurs photos comme des séries de mode, sans plus de réalisme. Elles ont mis le pied dans la porte, sont entrées par effraction dans ce milieu de la mode. Un secteur qui était, jusqu’à il y a peu, considéré comme élitiste – pour devenir mannequin, certains critères étaient non négociables – et pour le reste de la profession, un milieu d’entre-soi. Pour bosser dans une rédaction au service mode, il fallait obligatoirement connaître quelqu’un pour t’y intégrer. Ce qui a été mon cas à l’époque.

Sur ces réseaux, elles s’affranchissent de ces codes. Elles prennent le pouvoir. Et pourquoi pas ? Le job est peut-être précaire et le vent tourne vite. Mais la vie est précaire et c’est l’essence même du vent que d’être en mouvement. Et il y a celles qui ont déjà transformé l’essai en lançant leurs marques (Rouje, Musier, je pourrais en citer des tas). Ces petites nanas ont pris la place dont elles rêvaient et ça c’est finalement plutôt cool.

PS : Le cahier de style numéro 3 sera en ligne vendredi !  

4 réflexions au sujet de “Le vent tourne”

  1. Tellement vrai ce post. Étant donné que ce succès sera éphémère et qu’elles n’ont certainement rien prévu pour leur avenir la descente va être destructrice, d’autres les remplaceront lorsque leur jeunesse passera. Elles vivent dans un monde virtuel pas dans la vrai vie .je trouve ça tellement triste 😔

  2. Comme souvent (toujours même) je suis en phase avec ton constat. Et en premier lieu j’avoue mon incompréhension devant l’exposition des corps de façon très erotisée et par conséquent (du moins dans mon référentiel) en totale opposition avec le mouvement féministe radical. J’ai le souvenir de mes parents dans les années 70 ou certes on brûlait les soutiens gorges mais c’était pour prôner une approche libre et naturelle, loin des tenues et poses qui semblent parfois sortir d’un film érotique de série B… quand aux poses dans la rue, à la plage, sur des sites historiques ..ça me dépasse et finit même par me faire un effet repoussoir. Que ces jeunes femmes suscitent de l’envie me dépasse, heureusement que les réseaux servent aussi de vraies créatrices, cela compense un peu.

  3. Certaines sauront rebondir, les autres passeront à autre chose. En attendant elles profitent du système. Pourquoi pas …

  4. Oui moi aussi ça me laisse perplexe d’autant que pas mal de ces nanas sont très féministes. Y’a un truc qu’on a dû zappé. Bon l’époque n’est pas à une contradiction près ou alors on est has been ! ah ah

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