illustration virginie

La mémoire

Je suis totale à la bourre, ce billet doit partir dans 1h et je le commence tout juste. J’avais prévu de l’écrire hier soir, c’était sans compter sur la venue improvisée de mon fils, qui est aussi resté dormir. Il habite à 2 km pourtant, curieusement, il est souvent pas mal à la maison la dernière semaine du mois, si vous voyez ce que je veux dire. Je dis ça, mais je suis ravie. Résultat, je me suis couchée à 2h30, je ne suis pas très fraîche. J’avais prévu de vous parler de tout autre chose mais les discussions de la nuit m’inspirent plutôt ce billet… Autour de l’écriture, de la trace.

Ce n’est pas la première fois que mon fils me demande d’écrire une partie de notre histoire familiale, il me dit « t’as pas besoin d’écrire ça sous forme de roman, juste d’écrire les moments marquants de votre histoire ». Hier, je lui ai raconté des anecdotes sur ses arrières arrières grands-parents. Oui j’ai eu la chance de connaître moi-même mais arrières grands-parents – des gens qui étaient nés à la fin du 19eme siècle donc, c’est fou. Et puis je faisais la réflexion que lorsque le récit s’éteint, c’est la vie de nos aïeux qui s’éteint avec, hormis si nos aïeux étaient des VIP et qu’ils ont marqué l’histoire d’une façon ou d’une autre. L’espace de 2 générations, pouf, nos vies ne valent plus rien, plus personne ne parle de nous, ne se souvient de nous. Les gosses n’ont pas toujours la curiosité de connaître l’histoire de leur famille. Et quand bien même, est-ce que délivrer les faits marquants d’une vie permet d’extraire la substantifique moelle de ce qui définit un être ? Évidement non. Mon fils m’a réitéré sa demande de « récit familial » sous forme écrite. Je comprends, du côté de son père il n’y a pas ou très peu de récit parce que pas de souvenir, pas de transmission familiale et ça l’a beaucoup perturbé à l’adolescence. Faut dire que mon mari lui a donné le prénom de son père sans savoir réellement qui était-il. Troublant. Puis la discussion a dérivé sur l’écriture. On entend beaucoup parler de ça en ce moment, des ateliers d’écritures fleurissent un peu partout d’ailleurs. L’effet cathartique de l’écriture comme nouveau nirvana à atteindre. Ce n’est pas moi qui vais dénigrer l’exercice, alors que lorsque j’ai commencé le blog Mode9 il y a 12 ans, c’est l’aspect écriture qui m’a cueillie à mon grand étonnement, bien plus que le reste. Pouvoir écrire des choses futiles en y mettant de l’humour était très libérateur, y‘avait pas d’enjeu, je ne me prenais pas au sérieux, je n’ai pas cherché à être autre chose que ce que je suis. Lorsque j’ai arrêté le blog, cet aspect là m’a manqué. L’envie est revenue durant le confinement où j’ai proposé un rendez-vous hebdomadaire sous forme de newsletters, vous étiez nombreuses à y être inscrite bien plus qu’aujourd’hui (forcément ce n’est plus gratos !), puis le travail a repris et j’ai laissé tomber. C’est un exercice à la fois léger et à la fois plombant car il implique de trouver des sujets susceptibles de parler à toutes, de se livrer sans pour autant s’épancher.

Lorsque j’ai eu l’idée de mes Cahiers de style, j’ai eu envie de poursuivre ses « discussions » avec vous mais sans me prendre la tête, comme un petit plus, puisque le cœur de votre abonnement, c’est la mode la mode la mode. Parfois, je me pose devant mon ordi sans trop savoir de quoi sera fait ce billet (c’est ce qu’on appelle l’écriture intuitive je crois, non ?), c’est très libérateur. Bon, j’ai bien conscience que c’est souvent décousu, redondant et imparfait mais c’est plutôt jouissif.

En revanche, je serai incapable de tenir un journal, mettre noir sur blanc le flot de mes pensées du jour. Pourquoi ? Parce que les pensées sont fluctuantes, fugaces, inconstantes. Je peux m’engueuler avec mon Relou et oublier dans l’heure qui suit. Je peux avoir l’espace d’un instant envie de tout envoyer balader et l’heure d’après me trouver parfaitement à ma place. Je suis bipolaire vous croyez ? Ah ah – Alors le fait de marquer dans le marbre des pensées qui ne font que me traverser ferait me sentir presque étrangère à moi-même. Je ne cherche pas plus à passer au scalpel les tréfonds de mon âme. Les pensées lorsqu’elles ne sont pas récurrentes, ne nous définissent pas (faut que j’arrête le yoga non ? Ah ah). C’est aussi pour cette raison que je ne livre pas ma vie en pâture. Comme faire part à mon entourage de toutes mes embrouilles intimes – il y a de grandes chances pour que vous les ayez zappées quelques jours plus tard, mais eux s’en souviennent et en font un tout autre récit. Je ne juge pas, on fait tous la même chose lorsque les confidences nous sont adressées, non ? « ah tu te rends compte, Bénédicte m’a dit ça, leur couple ne va pas bien du tout » alors que la Béné fait des mamours à son mec, nous on trouve les 2 supers louches maintenant. Vous voyez le genre…

Tout ça pour dire que notre âme est bien souvent impénétrable – y compris par nous-même – alors pour ma part, je ne souhaite pas la coucher sur le papier – en attendant j’ai une saga familiale à écrire et je ça je trouve ça chouette et moins égocentrique pour le coup.

2 réflexions au sujet de “La mémoire”

  1. Après le décès de ma mère en 2021, une foultitude d’anecdotes est remontée à la surface. Je n’ai connu que ma grand mère, qui est décédée quand j’étais jeune et dont j’ai hérité de son caractère askip, car il faut se méfier des légendes familiales, surtout chez les ritaux qui ont tendance à en rajouter ( je parle pour moi haha ).
    Tout ça pour dire que Ziiitoun mon fiiils ( Olivier ) veut que je trace tout ça par écrit, et que lorsque je m’attellerai à la tache, j’aurai de quoi raconter, des drames mais aussi des personnages hauts en couleurs dont je garde d’excellents souvenirs. Ce qui me sauve car je ne retiens que ce qui est le plus sympa après en avoir pourtant tout un drama.
    Et puis en faisant un test ADN, car mon père est né de père inconnu, je n’ai pas retrouvé ses origines mais l’arbre généalogique des ritaux remonte à 1750.
    Sinon… Fan de ton humour et du ton libre avec lequel tu abordes les sujets.
    Bonnes vacances Virginie!

  2. Ouais c est une belle trace que l on peut leur laisser. Après chaque individu à sa version de l histoire, c est bien normal…

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